Livre publié à l’occasion de l’exposition « Amadeo de Souza Cardoso 1887-1918 », organisé par la Fondation Calouste Gulbenkian et la Réunion des Musées Nationaux – Grand Palais, à Paris, 20 Avril à 18 Juillet 2016. La Légende de Saint Julien l’Hospitalier est un manuscrit illustré de Amadeo de Souza Cardoso, du texte de Gustave Flaubert, appartenant à la collection du Centre d’Art Moderne de la Fondation Calouste Gulbenkian.
Qu’est-ce qu’Amadeo a vu dans La Légende ? Il a vu le vertige de la chasse des oiseaux de proie, du cheval et du cavalier, de la forêt, des loups et des castors, de l’animal en nous, l’attrait du voyage et des armes de guerre (le poignard, l’épée, la lance, la masse d’arme), des emblèmes, des blasons ; l’horreur de l’inceste, quant à elle, est surtout confinée à la copie secrète et magnifique du texte de Flaubert. Il s’agit d’une illustration où la copie se hausse au statut d’élément expressif par le truchement des lettres, des ornements qui l’encadrent, de la plénitude chromatique, hors interprétation mimétique de l’histoire, et sans en extraire la moindre métaphysique du mal. Amadeo reproduit le texte avec une maestria exempte de tout commentaire, il ne cède pas à la tentation de prolonger les outrances si bien mesurées, et par conséquent d’autant plus terribles, du conte qui est si loin de la légende médiévale. Chez l’un, Flaubert, le style de la vieillesse, la beauté sans tache de ce qu’Hermann Broch nomme abstraction, dans quoi « le langage dévoile ses propres secrets ». Chez l’autre, Amadeo, les prémisses du style de celui qui viendra à découvrir qu’il sait toujours moins qui il est, de celui qui reconnaît dans les émotions la condition de l’art tout entier, et dans le même temps s’abstient de leur donner libre cours. Ici se loge sans nul doute une interrogation : qui est Amadeo ?
[Maria Filomena Molder]
Em colaboração com a Fundação Calouste Gulbenkian.
Edição bilingue: francês-inglês.